texte de pochette :
On connait l’enchevêtrement des liens, connivences, affinités, complicités qui nouent les protagonistes de la free music, les constellations de personnalités se mettant en mouvement sur scène dans le geste ardent de l’improvisation. Derek Bailey et Evan Parker se sont rencontrés à Londres en 1966 au sein du Spontaneous Music Ensemble de John Stevens, ils sont devenus co-directeurs en 1970 du label Incus, ont fréquemment enregistré ensemble en duo et en compagnie d’innombrables autres partenaires, jusqu’à leur séparation pour « incompabilité d’humeur » en 1985. George Lewis fut l’hôte d’une Company de Bailey à Londres en mai 1980 avec Evan Parker et Dave Holland (“Fables”, Incus) et retrouva le saxophoniste, en compagnie de Barry Guy et Paul Lytton, à Bruxelles en 1983 (“Hook, Drift & Shuffle”, Incus/psi). Joëlle Léandre fut quant à elle l’invitée d’une Company Week à Londres en mai 1983, en trio avec Derek Bailey et J. D. Parron (“Trios”, Incus), elle enregistra quelques jours plus tard à Paris un Trio en forme de bagatelle en compagnie de Derek Bailey et Ernst Reijserger, ainsi qu’une Ballade de chien avec George Lewis et Barre Phillips ("Les Douze Sons”, Nato). Tous les quatre ne cesseront de se recroiser et d’enregistrer ensemble à de nombreuses occasions, ici et là, dans toutes espèces de configurations.
En 1982, c’est au Dunois, dans le 13e arrondissement de Paris — où se concentre pendant une douzaine d’années une grande partie de l’histoire des musiques improvisées dans la capitale — qu’eut lieu leur splendide et chatoyante rencontre. La seule et unique rencontre de ces quatre personnalités. La musique de ce CD est présentée dans l’intégralité du concert, seul le premier morceau du premier set est divisé en deux plages distinctes. Ainsi entend-on les musiciens se chercher dans les premières minutes du premier set avant de se mettre au travail en quête d’une identité de groupe. Car le plus excitant dans l’improvisation libre réside précisément dans l’interaction instantanée, toutes oreilles grandes ouvertes, entre les membres du groupe afin de révéler-dévoiler la magique quintessence d’une entité unique et éphémère, que l’enregistrement seul permet d’immortaliser. Ici, si la musique est splendide, le mixage d'ensemble réalisé sur le moment (stéréo directe oblige) ne l'est pas forcément toujours. Alors jeune preneur de son enthousiaste et curieux, Jean-Marc Foussat muni de son Revox, de sa petite table de mixage et de ses micros n'en était encore qu'à ses débuts en matière de prise de son live.
C’est le guitariste qui ouvre le premier set, immédiatement rejoint par la basse, puis par les deux souffleurs. Pendant l’intégralité du concert, le quatuor laisse volontiers s’épanouir des duos, voire des trios, un peu comme on aère une pièce en ouvrant la fenêtre. Alternances de brusques à-plats et jets de couleurs, de zigzags et de zébrures, mais aussi de délicats pastels et autres exquises aquarelles, au coeur d’une passionnante mosaïque de timbres et de textures en constante évolution.
Gérard Rouy, 2014
liner notes :
The fundamental tension between freely improvised music’s momentary existence in performance and the monumentalizing impact of media becomes more nuanced with each new delivery system. While MP3 files lack the totemic mass of box sets of discs, they nevertheless have a compensating spectral power. The rise of the archival recording compounds this tension, particularly when one is proffered to be the long-missing puzzle piece that completes the picture of how an artist or a movement evolved. Whether a newly discovered recording confirms the historical record, prompts revisions in dating and tracing musician networks, or upends academic tropes, the quality of its reception now is far from what it would have been at the time it was made.
This will certainly be the case with Dunois ‘82, given the subsequent, entwined histories of Derek Bailey, Joëlle Léandre, George Lewis and Evan Parker, unless the music is heard in a contemporary context. Their respective activities during 1982 are representative of a year when the international improvised music network was rapidly expanding its circuits. Bailey spent the autumn and winter in New York, recording with Cyro Baptista, John Zorn and others, and convening the first Company outside of London. Parker toured Japan for the first time, which yielded his first solo tenor saxophone performance issued on disc. In June alone, Lewis recorded with Globe Unity Orchestra and participated in the London Company Week. Although Léandre still devoted considerable energies to the music of Cage, Scelsi and other composers, she was increasingly focused on improvisation when she met Lewis, Bailey and Parker in rapid succession; during her New York residency late in the year, she participated in Bailey’s Company.
Given the historical gravity these four improvisers now possess in the international improvised music community and its narratives, it is almost reflexive to listen to Dunois ’82 historically, to parse out what hundreds of subsequent recordings have confirmed to be signature methods and materials from what is more rare, even anomalous. In doing so, however, the music is stripped of what made it new: the energies of the times – well represented by the programming of Paris’ Théâtre Dunois, the site of Léandre’s renowned Carte Noire series a year later (which included both Bailey and Lewis) – and the palpable sense of an unconditioned chemistry between these musicians (to call them a quartet would be an inappropriate imposition of a group identity).
Some insist that freely improvised music has become a genre wrought with conventions; that its initial, fragmentary utterances, the coalescing banter that rises and falls (usually just once), and the often prolonged attempts to disengage, are as predictable as the development in a movement of a Beethoven piano sonata. Dunois ’82 refutes such assertions and the mode of listening that promotes them. More than 30 years later, this is still new music.
Bill Shoemaker, August 2014
Critiques & reviews :
Derek Bailey Joëlle Léandre George Lewis Evan Parker
28 rue Dunois juillet 82 Fou records CD06
fou.records.free.fr
Fou Fou Fou, Fou ! C’est Fou ! Voici que de façon tout à fait follement inattendue ce CD arrive dans ma boîte aux lettres en compagnie d’un autre CD tout aussi FOU, « instants chavirés » millésimé 2000 de nos chers disparus : Peter Kowald et la cant-actrice chanteuse Annick Nozati avec notre ami Daunik Lazro aux saxophones. Je n’avais pas la moindre idée que Jean-Marc Foussat qui suit ces musiques à la trace depuis plus de trente ans allait publier un tel trésor (eh oui !!)
On me dira Evan Parker – Derek Bailey , on connaît, pfff … , que Joëlle Léandre est tout aussi documentée… et George Lewis nettement moins en ce qui concerne cette direction musicale, improvisée libre. Que les labels Incus , Psi, Emanem etc… ont produit ce genre d’albums à tour de bras…
Soyons honnête, par rapport aux flux de cd’s de ces presque vingt dernières années, les enregistrements parus documentant l’improvisation libre radicale du début des années 80 se comptent sur les doigts d’une main par tête de pipe. Surtout des quartets ou quintets aussi généreusement homogènes. Gérard Rouy mentionne une série d’albums où nos quatre mousquetaires se croisent. Il a omis de citer l’extraordinaire duo « From Saxophone and Trombone » de Parker et Lewis publié à cette époque par Incus et réédité par Psi. Oui cet album FOU 28 Rue Dunois est FOU ! FOU , FOU , FOU !
Il nous permet d’entendre du début jusqu’à la fin une tentative de création collective totalement improvisée qui se déroule sur plus de 70 minutes dans un lieu parisien incontournable fréquenté par les afficionados de l’époque (Lê Quan Ninh, Jacques Oger, Jean-Marc Foussat). Si Parker et Bailey sont « Compatibles » (Compatible Recording and Publishing était le nom de la maison d’éditions de leur label commun Incus), l’ajout de George Lewis au trombone et surtout de Joëlle Léandre soulève plusieurs problèmes d’équilibre, de cohérence etc.. Trouver un champ commun , un partage qui dépasse le fait que des personnalités d’envergure soient rassemblées un même soir de 1982 et soient sensées créer un chef d’œuvre. Une communion réelle… Joëlle Léandre venait seulement de faire la rencontre de Derek Bailey et de George Lewis à New York l’année précédente et elle commençait à s’investir dans l’improvisation libre après avoir déjà travaillé la composition contemporaine en tant qu’interprète de compositeurs tels que Cage et Scelsi , personnalités qu’elle a rencontré et fréquenté intensivement. Joëlle n’a alors pas encore les planches (expression du métier signifiant l’expérience) ni la technique ébouriffante (inégalée) de ses trois compagnons. Derek Bailey et Evan Parker font alors figure de chefs de file de l’improvisation radicale made in London mais dont l’influence et l’aura s’exporte de Berlin à Rome et New York. Quant à George Lewis, il est considéré comme étant le tromboniste « jazz » numéro un après avoir travaillé intensivement avec Anthony Braxton dès 1976. Si elle n’a pas encore acquis l’expérience et l’aura de ses compagnons d’un soir, c’est une profonde musicienne qui sait ce qu’elle veut. On l’entend ici, ses propositions s’intègrent vraiment bien à l’ensemble, l’assemblage parfait de la spontanéité débridée et de la musicalité réfléchie, tour à tour et simultanément. Et même quand il lui prend l’idée de chanter, ce n’est pas en vain. C’est une touche bienvenue, rafraîchissante qu’une harmonique providentielle de la guitare de Derek prolonge et s’en fait l’écho instantané avec une précision et une inspiration suprenantes. Et donc, dans ce superbe album , nous avons l’occasion d’entendre un éventail insoupçonnable de possibilités , d’explorations variées avec une forme d’intensité sensuelle, une émotion supérieure à certains des premiers Company où Derek et Evan jouaient avec Anthony Braxton, par exemple, (Company 2 Incus). Moins abrupt que le mythique concert du Spontaneous Music Ensemble à l’ICA, « the Quintessence » qui, en 1974, rassemblait en Stevens, Trevor Watts , Bailey, Parker et Kent Carter (Emanem) dans un continuum imprévisible. 28 Rue Dunois se « compose » de cinq parties : intro de 7 minutes et quatre mouvements entre 11, 15 et 26 minutes, partagées par la pause entre les deux sets.
Bien sûr les duos de Bailey et Parker avec X Y et Z sont incontournables, mais « leurs » très rares quartets enregistrés dans leur intégralité impliquant d’autres personnalités sont inoubliables même s’ils semblent moins réussis pour le comptable de la musicalité intégrale. Surtout, ils ont un surcroît d’âme. La part d’inconnues et de risques , les contingences ( histoire de chacun, instrument particulier, sentiments individuels, appétit musical ) sont nettement plus fortes, intenses. Les surprises sont surprenantes et corrigent l’idée qu’on a pu se faire de leur pratique en fonction des disques publiés à l’époque. Une telle rencontre pourrait déboucher sur un fiasco ou des ronds de jambe, mais ici il n’y a rien d’autre que l’approche de l’excellence. L’auditeur transite dans une multiplicité de paysages musicaux : explosions, irruptions de particules sonores inouïes du sax ténor de Parker, fractals de l’amplification baileyienne, réponses de Lewis, ses effet sonores sur les joues et les lèvres, langage fragmenté et ferraillant de Bailey le pied enfonçant la pédale de volume, courses poursuites effrénées ou stase introspective minimaliste, boucles mélodiques qui tournoient ou éclatement des notes , hachures surlignées et courbes infinies, passages de relai dans un duo mouvant, répétitions d’intervalles distordus, fausses hésitations, proposition contrariante et avisée de Léandre, musique de chambre initimiste ou charge monstrueuse. Bien sûr, il y a deux ou trois flottements, une ou deux digressions superflues, quelques longueurs , mais sur plus de 75 minutes, on est largement récompensé d’une écoute attentive, fascinée. Et quel bonheur !! Moi-même, j’avais organisé la rencontre en quartet avec Evan Parker, Paul Rutherford, Hannes Schneider et Paul Lytton en 1985 et ensuite relancé Martin Davidson et Evan Parker en connaissance de cause (avoir suivi et écouté la free – music européenne et américaine etc.. durant une vingtaine d’années finit par créer une sorte de sixième sens) pour que ce concert de ce groupe optimal soit publié. Il se trouve dans le CD Emanem 4030 « Waterloo 85 » dans son entièreté. « Mon quartet de rêve » était une occurrence inespérée et ici le rêve de rencontre magique et de communion complète de Jean-Marc FOUssat se matérialise en un beau miracle inattendu auquel je souscris à 200%.. FOU , FOU, FOU, je vous dis !
PS. Mise au point « historique » : Gérard Rouy fait mention de la rupture entre Parker et Bailey qui aurait eu lieu en 1985. Il y avait déjà un contentieux relationnel et « administratif » entre les deux compères (collaborant ensemble depuis 1966 !) à cette époque. Mais cela ne les avait pas empêché d’organiser ensemble deux éditions du festival Incus en avril 1985 et 1986 durant une semaine complète avec une affiche exceptionnelle . Outre les deux « directeurs » d’Incus, on y a entendu Han Bennink , Misha Mengelberg, Paul Lovens , Alex Schlippenbach, George Lewis, John Zorn, Steve Lacy, Phil Wachsmann, Maarten Altena, Paul Lytton, Barry Guy, Paul Rutherford, Kenny Wheeler, Alvin Curran, AMM au grand complet ! , les Alterations, soit Steve Beresford, Pete Cusack, David Toop et Terry Day, Ernst Reyseger et un tout jeune Steve Noble en duo avec Alex Mc Guire. Le tout enregistré par le génial Michael Gerzon, l’inventeur du micro Soundfield et le précurseur de la technique Surround 5.1. En outre, Evan Parker avait publié son dernier album solo « The Snake Decides » chez Incus et cet album avait été enregistré au début de l’année 1986 et vendu lors de ce festival. Ayant été en contact avec DB et EP à cette époque, je pense que la rupture finale est advenue dans le courant de 1987.
Jean-Michel Van Schouwburg
DEREK BAILEY, JOËLLE LÉANDRE, GEORGE LEWIS & EVAN PARKER / 28 rue Dunois, juillet 1982 (Fou Records)
Un concert de juillet 1982, qui s’est avéré la seule prestation de cet alignement d’improvisateurs, enregistrée par Jean-Marc Foussat et jamais publiée. Or, l’enregistrement est franc et la prestation de premier plan. Après une courte valse-hésitation, les quatre musiciens – tous des grands noms, des exemples, des légendes – se trouvent et se lancent corps et âme dans la création d’une musique de l’instant qui, 32 ans plus, devrait être reçu par tout improvisateur comme une leçon d’humilité.
A concert from July 1982, which turned out to be the sole performance by this particular line-up of free improvisers, recorded by Jean-Marc Foussat, and never published until now. The recording quality is more than satisfactory, and the performance is stellar. After a short period of testing and trying, the musicians – all major improvisers, models, legends – find each other and throw themselves fully into the creation of music of the here and now, music that, 32 years later, should be received by any improviser as a lesson in humility.
Monsieur Délire
Sans doute pas une émergence – le ver était dans le fruit depuis quelques temps déjà – mais l’audace d’une esthétique (l’improvisation radicale made in Europe) alors en plein bouillonnement. Derek Bailey, Joëlle Léandre, George Lewis et Evan Parker étaient au Dunois en ce chaud mois de juillet 1982. Le Dunois était alors le temple de toutes les expérimentations et un certain Jean-Marc Foussat y faisait ses premières armes de preneur de son(s).
Ces soixante-quinze minutes d’impro libre ne sont rien d’autre qu’une bénédiction. Parce que ces quatre-là n’avaient que le présent pour partage. Il faut les entendre, presque timides, cafouiller le temps de quelques minutes avant de s’unir réellement. Les tics, les habitudes viendront plus tard. Pour l’heure, à demi-notes, ils s’inventent (splendide connexion Lewis-Léandre), cherchent dans leurs duretés-souplesses le plus beau terrain vague. Le propulseur-saxophone d’Evan lançait des sagaies-idées, tâtait du souffle continu sans débordement inutile ; Joëlle – autant pizz qu’arco ici – ne doutait pas et dévoilait quelques-unes de ses sorcelleries futures ; la guitare de Derek jouait un drôle de flamenco et avait la corde fertile ; George Lewis se sentait comme un poisson dans l’eau angélique des hautes rivières. Oui, ces quatre-là avaient du caractère, de la suite dans les idées. L’utopie était en marche. Ce disque vient à point-nommé pour nous suggérer qu’elle est (peut-être) encore possible.
Derek Bailey, Joëlle Léandre, Evan Parker, George Lewis : 28 rue Dunois juillet 82 (Fou Records / Metamkine)
Enregistrement : 1982. Edition : 2014.
CD : 01/ 1ère partie 1a 02/ 1ère partie 1b 03/ 1ère partie 2 04/ 2ème partie 1 05/ 2ème partie 2
Luc Bouquet © Le son du grisli
New York City Jazz Record, November 2014 - issue 151
by Kurt Gottschalk
Derek Bailey + Joëlle Léandre + George Lewis + Evan Parker
28 rue Dunois, Juillet 1982
Fou FR-CD 06
I can’t imagine anyone reading this review needs to be sold on the virtues of any of the musicians appearing on this delicious unearthed document. With deep history together, this assemblage marks a period in time when Bailey and Lewis had been working with John Zorn, when Parker and Bailey still operated Incus together, and when the European free improvisational scene was consistently intense and creative (owing much to collaborations like these). It’s also one of my favorite periods for these musicians, and especially of Bailey, who works here with loads of volume pedal swells and sustains at the center of his sound. The promise is more than met on this superb, consistently engaging live shot.
Obviously, the key to satisfaction with music like this is the seamlessness of the interaction combined with innovative effects. That sounds reductive when written but listening to music of this quality reminds you of how difficult this art of the ungraspable is to realize in real time. The concert opens with scraped bass, hushed low brass, and skittering Parker sax. From the start, the four players court the intensity but keep the dynamics open and reserved, materials cycling naturally through sub-groupings with considerable restraint and generosity throughout. Note the lovely bass/trombone duo, with Lewis at his most guttural and churning, beautiful glissandi and portamento creating a space in which Bailey blinks in and out. Unlike a lot of sets of improvised music, there are precious few moments where the focus wavers. It’s consistently engaging, filled with subtle, spare, flinty gestures knit together by the musicians’ attention to quaver and oscillation as the grounding of the shared language. In its way, this music seems to anticipate much of the super-silent exploration that came to the fore in the late 1990s.
Those who prefer the intense whirl of sound often conjured by players on this scene will also be pleased. Midway through the first set, for example, there’s a lovely tussle between Parker and Léandre, filled with groaning and fast-moving sound. And as a chorus of chirpy metallic birdsong closes the first set, Léandre’s vocalizing is perfectly apposite to the music’s movement, even as it also provides contrast with Lewis’ robust playing. By contrast, the bassist evokes whorls and overtones and near pointillism on the long passages opening the second set. Against her rubbery and elastic lines, the trombone’s low end and held sax burrs thicken the music. They achieve a level of genuine intensity, even for those who’ve heard hundreds of records in this general area of music, and into this a very restrained Bailey finally enters to create some beautifully unsettled sound. The quartet eventually finds its way to a collective drone, whose eldritch quality is dissipated by the heat of the set’s closing passages, filled with searing circular breathing on the straight horn, braying brass, and strings maelstrom. More than just a historical curiosity, this is exemplary improvised music.
–Jason Bivins Point of Departure
Derek Bailey/Joëlle Léandre/George Lewis/Evan Parker
Dunois 1982
Fou Records FR-CD 06
Frank Lowe Quartet
Out Loud
Triple Point Records TPR 209
Don Pullen
Richard’s Tune
Delmark/Sackville CD2-3008
Steve Lacy
Cycles (1976-80)
Emanem 5205
Ted Daniel’s Energy Module
Energy Module
NoBusiness Records NBCD 72/73
Something In The Air: Revolutionary Records Redux
By Ken Waxman
About 40 years on, so-called Free Jazz and Free Music from the late sixties, seventies and early eighties, doesn’t sound so revolutionary any more. The idea of improvising without chord structures or fixed rhythm has gradually seeped into most players’ consciousness, with the genre(s) now accepted as particular methods for improvisation along with Bop, Dixieland and Fusion. Historical perspective also means that many sessions originally recorded during that period are now being released. Some are reissues, usually with additional music added; others are newly unearthed tapes being issued for the first time. The best discs offer up formerly experimental sounds whose outstanding musicianship is more of a lure than nostalgia.
The most spectacular physical example of this is the Frank Lowe Quartet’s Out Loud Triple Point Records TPR 209. Thoroughly old-school in that the release consists of two LPs, the session is brought up to date with an LP-sized 38-page booklet that puts the music into historical context, plus an internet link to video footage of the band in action. Tenor saxophonist Lowe (1943-2003), was part of the second generation of Free Jazzers, following vanguard revolutionaries like Ornette Coleman and John Coltrane, and the quartet is his working group of the time (1974) – trombonist Joseph Bowie, bassist William Parker and drummer Steve Reid. The material consists of what was going to be Lowe’s second LP plus a second LP recorded live in an East Village loft adding trumpeter Ahmed Abdullah. The fascination of Out Loud is how perfectly matched improvisers are forging a group identity, Memphis-born, Lowe mixes an R&B-influenced tone that often soars into altissimo, with extended near-human cries encompassing split tone and cacophonous glossolalia. Trombonist Bowie, who produces a distinctive hunting-horn-like resonance, introduces the Midwestern idea of adding small instruments like congas, balafon, whistles and harmonica plus primeval vocalization to the program. Parker’s sul ponticello asides adds taut vibrancy to the improvisations; and when his power strokes lock in with Reid’s floating rumbles, they strengthen a groove that moves the improvisations chromatically. The live tracks are more bellicose and aggressive. Paced by the drummer’s irregular ruffs and rolls, however, calming solo interludes alternate with frenetic upturned yelping. “Whew” – almost the only titled track – reaches a bouncing boogie-like ending, after the trumpeter’s flutter-tongued triplets extend a plunger trombone and wheezing harmonica face off. Heart-on-sleeve emotional throughout, Lowe’s tenor saxophone joins slides and slurs into a solo that’s part Coleman Hawkins’s mellow and part John Coltrane melisma on the final track. Subsequent dot-dash flutters from Bowie extend this near-mainstream context until plunger trombone tones and vocalized squeals from Lowe’s soprano shudder and shake the tune into a, joyful and jagged concluding sway.
Mixing joyfulness with jagged edges also characterized the playing of pianist Don Pullen (1941-1995), who in 1975 recorded Richard’s Tune Delmark/Sackville CD2-3008, his first-ever solo release in Toronto due to the suggestions of producer – CODA’s Bill Smith. Known for his stint in bassist Charles Mingus’ band, Virginia-born Pullen was a keyboard anomaly. Fully conversant in the clashing dynamics of the so-called New Thing, his grounding in blues and gospel music gave even his most advanced compositions a lilting rhythm. Case in point is “Big Alice”, heard in two versions – the second of which is one of the CD’s two previously unreleased tracks. Almost danceable and certainly funky, the versions demonstrate the propulsion that can arise from a single keyboard. While the original mates bravura glissandi with thrusting theme variations the alternate encompasses a harder touch that emphasizes the blues base without weakening the distinctive theme. “Kadji”, the other discovery, demonstrates Pullen’s mastery of pacing as he cascades a skipping child-like theme. The kinetic “Song Played Backwards” spills out a multitude of notes in a headlong rush, while maintaining a flow. Overall, the over 15½-minute “Suite (Sweet Malcolm)” is a major statement that demonstrates Pullen’s duality. Slithery splatters and moderato pacing bring in inferences from gospel, stride, blues and work songs, while later sharp and percussive timbres inhabit the area between Cecil Taylor-like percussiveness and Thelonious Monk-like angular diffidence.
Free Music was appreciated in many non-American places besides Toronto. In fact the 20 selections on the two-CD set Cycles (1976-80) were recorded in Paris, Rome, Cologne and Switzerland. Someone who created a place for the soprano saxophone in advanced jazz, Steve Lacy [1932-2004], was a master at finding new playing situation and a pioneer of solo saxophone concerts. Some of five-part “Hedges” cycle for instance was recorded in concert with a dancer and on the happy-go-lucky “Rabbit” the sounds of the dancer’s footfalls are audible. Otherwise the tracks are aurally descriptive, with “Fox” including the replication of a hunting-horn before turning to altissimo animal cries and growls and “Squirrel” using reed kisses to approximate animal squeaks and scurries. Others like “The Ladder” are self-explanatory as Lacy chromatically ascends the scale in a series of peeps, whistles and overtones. However while the logic behind using timbre-dissecting tight aviary tones to salute Albert Ayler on “The Wire” may be evident, the cantering sweeps that turn from a spindly line to circular breathing to a sweet melody on Tots that honours Claude Debussy may confuse some. The underlying point, as demonstrated on “Wickets” where Lacy appears to be vacuuming up sound from every crevice of his horn, is that the soprano saxophonist used every type of music to forge his playing.
Not everyone had given up on New York however. Trumpeter Ted Daniel’s Energy Modules recorded Innerconnection NoBusiness Records NBCD 72/73 there in 1975. With 40 years of hindsight it’s apparent that Daniels’ quintet was not only creating its own variation the Energy Music, but was so comfortable with the idiom that it was almost a repertory band. Considering that the compositions in the repertory were by Sunny Murray, Dewey Redman, Albert Ayler and Ornette Coleman, there’s little chance Wynton Marsalis will ever follow suit. Daniel crafted sophisticated arrangements so the originals fit seamlessly with the other tunes. For instance Murray’s sing-song “Jiblet” serves an appropriate introduction to Redman’s “Innerconnection”, which is given such a furious workout by Daniel Carter’s nephritic sounding tenor sax work and drummer Tatsuya Nakamura’s vigorous slapping that the track could define Energy Music. While the other horns honk and cry, the trumpeter’s tone is smoother and graceful. That’s most obvious when his mellow composition Pagan Spain is performed with muted grace notes joining a reading of Coleman’s “Congeniality”. Cunningly “Congeniality” is the concluding theme following an introduction of thickened stops from bassist Richard Pierce plus Nakamura’s splatters. Unbridled buoyancy is maintained, while in the background Oliver Lake creates a seething call-and-response, alternating between cowbell and piccolo. The true magnum opus on the CD however is “Ghosts”. Turing Ayler’s march-tempo dirge into an extended collective improvisation, the band emphasizes the tune’s gospel roots. Swelling in tandem, Carter’s squeaking melisma becomes the preacher as the other instruments’ sway congregation-like around his literal speaking-in-tongues solo. Crucially though, the trumpeter’s erudition is such that though the tune coarsens, space remains for his controlled comments.
European players had almost become avant-garde masters by this time – but with a distinctive non-Yank style. Case in point is Dunois 1982 Fou Records FR-CD 06 two extended never-before-released performances by American trombonist George Lewis; guitarist Derek Bailey and saxophonist Evan Parker from the United Kingdom; and French bassist Joëlle Léandre. Like Lacy each developed a matchless playing method that’s apparent from the first tones: Bailey outputting irregular string clanks, Parker circular breathing and Léandre warbling as she bows. To appreciating Dunois 1982’s 78 minutes of music imagine it’s an aural feature film with close-up inserts. Volcanic crescendos and whispering minimalist textures arise from the polyphony created when the slurs, smacks and scrubs brush up against one another. But also focus on each of the players, noting how individualistic patterns stay consistent as they improvise in a parallel fashion. For instance on “1ère partie/1b” what would be out-of-tune licks from another guitarist are used by Bailey to angle into a duet between Parker and Lewis, where the reedist tones slide upwards as the trombonist blows downwards. Eventually Léandre’s taunt extrusions push the others into a mini climax of ferocious percussiveness surmounted by Lewis’ buttery tone. Almost immediately though, each player sabotages the near-swing with distinctive tone substitutions leading to the improvisation creatively dissipating. By the extended “2éme partie/1” the contrapuntal improvising becomes as stimulating as a Dixieland jam, but framed more sophisticatedly. While the bassist often sardonically mocks the others by injecting high-European classical phrases, Lewis’ lowing blurts are close cousins to tailgate slurs and Bailey could be abrasively pounding banjo strings. Only Parker’s staccato tongue-shattering tones resist the comparison, but when he triggers a cascade of notes, contemporary skills and imagination are confirmed. Raucous excitement is there, but in a more minimalist fashion than in earlier music.
Many listeners may have missed out on the flowering of Free Music first time out. With these issues, they have a chance to catch up in an organized fashion.
—For The Whole Note February 2015
Citizen Jazz
S’il ne fallait retenir qu’une poignée de noms dans ce qui, sous le nom générique de « musiques improvisées », unit les recherches menées par le free jazz et la musique contemporaine, les quatre qui barrent en rouge la couverture de ce disque en feraient assurément partie.
Dans ce document capté sur le vif en 1982 du côté du XIIIe arrondissement parisien, les Anglais de l’étape, Parker et Bailey, ont déjà quelques années d’activité derrière eux, mais aussi beaucoup à venir (surtout Evan Parker, Derek Bailey nous ayant quittés beaucoup trop tôt). Le tromboniste George Lewis et la contrebassiste Joëlle Léandre, bien qu’acteurs plus récents de cette scène, n’ont pas pour autant de timidités de débutants lors de cette première rencontre à quatre.
Après une mise en place lente et marmoréenne bien dans le style de Bailey, les choses et les personnes déclinent chacune leurs beautés convulsives dans un éventail des possibles où le lyrisme de la contrebasse (que vient parfois soutenir la voix de Léandre, du chuintement aux envolées de cantatrice) encadre des bruits d’objets mécaniques qu’on démonte, des enluminures répétitives soufies comme venues de Joujouka ou des évocations majestueuses de tempêtes et de cornes de brume (le trombone de Lewis excellant à cet exercice). Le tout se meut sur lui-même, se chiffonne et crée dans ses plis multipliés une surface potentiellement infinie.